La campagne rodienne mêle théâtre et politique
Par l’éditorialiste théâtre Korvit Domesa
Par l’éditorialiste théâtre Korvit Domesa
7,5 sur 10
La Fourberie de Vosdia Nooma
Avec Chooru Delb, Beata Reesh, Deebo Chak, Huruni Hune et surtout Fosin Dreed dans le rôle de Paladin
Réalisé par Hishinu Booj
Écrit par Hishinu Booj, Ruris Plin et Onaconda Farr
Les politiciens sont souvent accusés de prendre des accents théâtraux dans leur rhétorique, mais le Sénateur Onaconda Farr en a fait une forme d'art. La campagne politique rodienne bat son plein et le Conseil Théâtral du gouvernement du Sénateur Farr a dévoilé son travail en faveur de l’Acte de Création Militaire.
La pièce en quatre actes, intitulée La Fourberie de Vosdia Nooma, est à la fois un divertissement populaire et un message politique. Riche en allégories et en symboles, la pièce promeut la position pro-militaire du Sénateur Farr. Celui-ci en a d’ailleurs financé la production et est crédité au générique en tant que scénariste et producteur exécutif.
La Fourberie se déroule à l’époque féodale de Rodia, dans la ville de Yusk, et le personnage principal est interprété par Chooru Delb, un humble paysan dont la fille est empoisonnée par une vilaine morsure d'insecte. Cela attire l'attention et la sympathie des habitants du petit village, du plus bas des serfs au propriétaire foncier le plus riche. En compagnie des esprits les plus influents de la ville, tous réunis sous son toit, Nooma commence à évoquer librement ses idéaux politiques.
Au début du deuxième acte, la magie de Nooma a opéré, si bien qu’il est nommé Baron de Yusk. Il compose son cabinet de ses amis les plus anciens et les plus proches, indépendamment de leur capacité à gouverner. Nooma quitte sa ferme pour le centre de la ville, au moment même où un soldat charismatique arrive dans une ferme agricole sur le dos d'un Roth. Le soldat (interprété par le nouveau venu Deebo Chalk) est stupéfait de découvrir la quantité élevée de grains que chaque agriculteur doit verser comme impôt au baron, et encourage ainsi les agriculteurs à en conserver davantage pour leur propre famille.
La faim menance les habitants de la ville de Yusk, qui demandent à Nooma de faire quelque chose. Delb brille véritablement dans ces scènes où, confronté à une crise profonde, il est incapable de prendre la moindre décision. Au lieu de cela, il se tourne vers son cabinet qui, au cours d’une séquence malheureuse qui tourne en bouffonnerie, se chamaille sur les plans d'action possibles.
Vers la fin du deuxième acte, Nooma est débordé et quitte le cabinet pour échapper aux pressions. Lors d’une promenade au clair de lune à travers Yusk, Nooma rencontre un paladin sur le dos d'un Roth. Faisant confiance au paladin (notamment joué par Fosin Dreed), Nooma confesse ses péchés et relate les problèmes qui affligent Yusk. Le paladin remarque que les émeutes semblent avoir été causées par un ancien camarade, un soldat à la retraite qui exploite des agriculteurs simples d'esprit pour obtenir leurs céréales. Il offre les services de sa petite bande de protecteurs pour s'occuper du soldat et de ses fermiers. Craignant de prendre une telle décision, Nooma décline l'offre.
Compte tenu de la puissante opinion pro-militaire du Sénateur Farr, vous pouvez deviner le sort de Yusk à la suite du refus de Nooma. Les deux actes suivants sont empreints d’une violence graphique typiquement rodienne ; le soldat, tout en profitant de leurs récoltes, pousse frénétiquement les agriculteurs à attaquer le centre-ville. Les mises de scène rodiennes n'ont jamais été aussi réalistes avec des hologrammes multi-angles donnant un véritable effet de réalité aux décapitations et mutilations qui se succèdent sous nos yeux ébahis.
Bien que les dialogues soient manifestement forcés et que le symbolisme soit transparent, la pièce reste captivante et nourrira des discussions dans les deux camps de l’Acte de Création Militaire. Toutefois, le caméo holographique éhonté du Sénateur Farr en tant qu'oracle de voyance de Yusk est une grave erreur et peut nuire à l'intégrité du propos. Dans la mesure où cette scène n'est pas essentielle à l'intrigue, nous espérons secrètement que l'insertion holographique n'ait été destinée qu'à la soirée d'ouverture.
Les performances convaincantes de Chak en soldat à la voix graveleuse et de Dreed en paladin sont des raisons suffisantes pour profiter des quatre heures de la pièce. Le rôle-titre de Delb consolidera à jamais sa place dans le théâtre populaire, transcendant les œuvres politiques rodiennes et touchant des publics de presque tous les horizons. Nous nous plaisons à l’imaginer dans un holo-film à large diffusion.
L'humour rodien ne touchera pas tous les spectateurs, c’est pourquoi il est heureusement resté très modéré dans La Fourberie. Néanmoins, truffés d’allégories politiques obtuses, ces courts segments suffisent à provoquer des hérissements. Les querelles entre le Lord Scufflemug à trois yeux, et Lady Puffdove au visage poudré dans les scènes du cabinet sont non seulement gratuites, mais également de bien mauvais goût.
Le théâtre rodien ne s’est jamais démarqué par sa subtilité, mais les derniers actes de La Fourberie souffrent d’intrigues secondaires confuses et des métaphores maladroites. En cherchant le paladin dans une flaque de sang, Delb se lance par exemple dans une diatribe en sanglots où il se lamente d'avoir empoisonné sa fille alors que, paradoxalement, nous l'avions vu dans le premier acte se faire piquer par un petit chardon.
La Fourberie sera jouée au Premier Théâtre d'Equator City, avec des représentations retransmises en direct par le signal RES23 pour les citoyens situés entre le Noyau et la Bordure Médiane.